"Allez, bouge-toi le cul !"
"Je suis mauvais(e) là, concentre-toi !"
"Gaine-toi !"
Si tu es sportif, étudiant ou artiste, tu as sûrement déjà été confronté à ton propre dialogue interne. Un flux de pensées, de jugements et d'instructions qui s'active tout au long de ta journée, parfois même en pleine performance. Mais existe-t-il un type de dialogue plus efficace que les autres ? Comment le dialogue interne agit-il sur notre cerveau ? Et un dialogue agressif, souvent perçu comme "négatif", est-il réellement efficace ? Autant de questions que l'on peut se poser et auxquelles nous allons essayer de répondre ici.
Le Discours Interne : Définition et Importance
Le discours interne, aussi appelé self-talk, est à la fois une habileté mentale et une stratégie cognitive utilisée pour s’autoréguler, notamment dans le cadre sportif. Il s'agit de ces auto-instructions formulées mentalement ou parfois à voix haute qui servent à réguler les pensées, les émotions et les comportements pour optimiser la performance. Des études (Ellis, 1994 ; Meichenbaum, 1977 ; Zinsser, Bunker & Williams, 2010) soulignent son importance dans le processus de performance.
Là où ça devient intéressant, c'est que l'émetteur et le récepteur du dialogue sont la même personne. Il s'agit donc d’une sorte de boucle : ce que l’on se dit a un impact direct sur notre cerveau et donc sur notre capacité à performer. D'où l'importance de comprendre l'impact des différents types de dialogues internes.
Les Types de Dialogue Interne
Il existe plusieurs formes de dialogue interne, et chacune d’entre elles joue un rôle spécifique dans la performance.
- L’auto-critique :
C'est la capacité à analyser et juger son propre comportement ou ses performances. Parfois perçue comme un frein, elle peut néanmoins devenir un outil de motivation, si elle est bien dosée. - L’auto-encouragement ou discours motivationnel :
Ce type de dialogue consiste à utiliser des phrases encourageantes pour se stimuler. Des phrases du type : "Tu peux le faire !" ou "Reste concentré, tu es prêt !" - L’auto-instruction (technique) :
Ici, le dialogue interne se concentre sur des consignes précises et claires, comme : "Plie les genoux", "Respire lentement", ou encore "Fixe un point devant toi".
La Valence du Dialogue : Positif ou Négatif ?
La valence du discours fait référence à l'orientation émotionnelle du dialogue : est-ce qu'il est perçu comme positif, négatif ou neutre ? On parle souvent de discours positif comme étant encourageant ou bienveillant. Mais est-ce le seul type de discours qui ait un impact bénéfique ?
Certaines études suggèrent que le dialogue intérieur négatif pourrait aussi améliorer les performances physiques. Cela peut sembler contre-intuitif, mais plusieurs hypothèses l'expliquent : remise en question de la confiance, stimulation des efforts pour éviter l’échec, ou encore la perception du discours négatif comme un défi à relever. Ce qui compte, ce n’est pas tant la valence du discours, mais plutôt l’interprétation que l’on en fait.
Par exemple, une phrase comme "je suis nul" peut être perçue non comme un échec définitif mais comme un signal pour se reprendre et se motiver à avancer. En ce sens, ce discours négatif devient un levier de performance.
Effet du Self-Talk sur le Cerveau
L'effet de l'auto-encouragement
L’auto-encouragement n’est pas seulement une stratégie verbale, mais il a également des effets cérébraux. Il influence la manière dont certaines régions du cerveau interagissent entre elles, ce qui peut avoir un impact positif sur les performances cognitives et physiques.
Des études montrent que l'auto-encouragement entraîne une connectivité plus forte entre le cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC) et le gyrus précentral (PrCG). Ces régions sont responsables respectivement du contrôle des émotions, du raisonnement et des décisions (DLPFC), et du contrôle des mouvements volontaires (PrCG). Une telle connectivité permettrait une meilleure prise de décision, un meilleur contrôle des émotions et une meilleure gestion des stratégies motrices.
Cependant, un excès d’auto-encouragement peut avoir des effets contraires. Si cette confiance en soi devient excessive et non réaliste, elle peut engendrer des comportements impulsifs et un décalage entre la perception de ses capacités et la réalité des performances.
L’effet de l’autocritique
L’autocritique, souvent vue sous un mauvais jour, peut aussi avoir des effets cérébraux intéressants. Lorsqu'une personne se critique, elle active certaines régions du cerveau liées à l’attention, la motivation et le contrôle cognitif.
L’amygdale et le cortex cingulaire antérieur (ACC), par exemple, sont des structures qui s'activent sous l'influence d'un discours négatif. Ces zones jouent un rôle clé dans la gestion de l’attention et la détection des menaces, ce qui a pour effet de rendre l’esprit plus concentré et moins dispersé. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi certaines personnes, sous l’effet de l’autocritique, parviennent à se concentrer davantage sur leur tâche et à performer.
De plus, l’autocritique semble renforcer la motivation intrinsèque. L'individu est poussé à performer non pas pour obtenir une récompense externe, mais pour éviter l’échec ou relever un défi personnel. Ce processus augmente l'engagement dans la tâche.
Autocritique et Performances : Une Question d’Équilibre
L’autocritique n’est pas nécessairement négative. Lorsqu’elle est perçue comme un défi, elle peut être bénéfique. Mais lorsqu’elle devient excessive, elle peut générer du stress, de l’anxiété et affecter la performance à long terme.
En résumé, l’autocritique peut devenir un moteur de performance si elle est utilisée avec discernement. L’idée ici n’est pas de se flageller mais de se remettre en question de manière constructive. Comme pour tout, l’équilibre est clé.
Self-Talk Instructif vs Motivationnel : Quelle Différence ?
Le self-talk motivationnel est efficace pour réguler les émotions, maintenir l'énergie et encourager la persévérance, en activant les zones du cerveau liées à la motivation et à l'émotion (comme le système limbique). Il aide à garder une attitude positive face à la difficulté.
Le self-talk instructif, quant à lui, est plus ciblé sur la concentration et l'amélioration des actions techniques. Il aide à réduire les distractions externes en renforçant l’attention sur des instructions précises, activant principalement les zones du cerveau impliquées dans le contrôle moteur et la planification (comme les régions frontales et pariétales). Cela permet de mieux se concentrer sur les mouvements et d’optimiser la performance.
Conclusion : Réguler son Dialogue Intérieur
Qu'il soit motivant, critique ou instructif, le self-talk est un outil puissant pour optimiser les performances. L’important, c’est d’apprendre à l’utiliser à bon escient. Chaque type de dialogue a un impact différent sur notre cerveau, et c'est à nous de trouver l’équilibre qui nous permettra de tirer profit de ces interactions internes pour progresser, se motiver et rester concentré sur l'objectif à atteindre.
Sources :
→ Kim, J., Kwon, J.H., Kim, J. et al. The effects of positive or negative self-talk on the alteration of brain functional connectivity by performing cognitive tasks. Sci Rep 11, 14873 (2021). https://doi.org/10.1038/s41598-021-94328-9
→ Boudreault, V., Trottier, C. et Provencher, M. (2016) . Discours interne en contexte sportif : synthèse critique des connaissances. Staps, n° 111(1), 43-64. https://doi.org/10.3917/sta.111.0043.
→ Jo, H. J., Park, C., Lee, E., Lee, J. H., Kim, J., Han, S., Kim, J., Kim, E. J., Kim, E., & Kim, J. J. (2024). Neural Effects of One's Own Voice on Self-Talk for Emotion Regulation. Brain sciences, 14(7), 637. https://doi.org/10.3390/brainsci14070637
→ Fritsch, J., Feil, K., Jekauc, D., Latinjak, A. T., & Hatzigeorgiadis, A. (2024). The relationship between self-talk and affective processes in sports: A scoping review. International review of sport and exercise psychology, 17(1), 482-515.
→ Bellomo, E., Cooke, A., Gallicchio, G., Ring, C., & Hardy, J. (2020). Mind and body: Psychophysiological profiles of instructional and motivational self‐talk. Psychophysiology, 57(9), e13586.